Le bleu du ciel local est partout nonpareil. On dirait un champ chromatique peu fiable, vu la distance. Ou que ce n’est pas tellement la lumière mais les monts farineux, blanchis par l’éloignement, qui perversifient l’échelle de l’oeil. Ici toute tentative de prise graphique tire avantage a priori d’un certain flou de l’image, de l’imagination.

Une toile de fond digne, donc, d’une scène où l’on ne peut que deviner l’action. Car de l’action il y a dans ce premier plan quelque peu agité, de violence même. Le tas de bois déchiré on ne sait quand par on ne sait quel vent. La chaîne de drapeaux de prière atterris où elle devrait encore tracer l’horizon.

Hypothèse désintéressée : c’est pour ça qu’ils courent, les hommes qui courent. Ils courent pour ramasser les drapeaux multicolores tombés, les recoudre contre le paysage. Pour chaque pas un drapeau, donc une prière anonyme. Que le pas soit constant, comme chez ceux qui prient en respirant, divinité insensible cousue aux lèvres.

Comme quoi le ciel n’a pas besoin des nuages pour changer.

On se demande qui va s’épuiser le premier, les hommes qui courent ou la chaîne de prières fabriquées en série ou la chaîne des montagnes. Surtout pas le bleu du ciel impassible. Faut parvenir à imaginer Sisyphe heureux, dit Camus. Ou plutôt faut-il apprendre à être au fond heureux en imaginant Sisyphe.


Photo courtesy of the Maison de la Poésie in Saint-Quentin-en-Yvelines.

2010
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